Misterioso, Arne Dahl
« Il y avait quelque chose dans l’air.
Il n’arrivait pas à savoir quoi – une brise plus douce, peut-être, une trouée de lumière irisée au beau milieu de la masse grise des nuages ? Ou juste le fait de patauger à présent dans cette flaque, où durant tout l’hiver ses pas avaient crissé sur la glace, le long de sa place de parking – une place encore à son nom.
Il resta là un moment, les yeux plissés, à scruter la couverture nuageuse du matin : elle étendait au-dessus de la banque son toit rassurant qui semblait lui souhaiter la bienvenue.
Tout était calme, comme d’habitude.
Un peu plus loin, le village paraissait figé. Seul signe de vie, de minces volutes de fumée s’échappaient de quelques cheminées. Il entendit le chant monotone d’une mésange qui pointait la tête hors de son nid, juste au bord de la toiture. Il ferma alors sa voiture et franchit les quelques mètres qui le séparaient de l’entrée du personnel, une petite porte ordinaire, sortit son trousseau de clés, plus ordinaire encore, et ouvrit l’un après l’autre les trois gros verrous.
À l’intérieur de l’agence bancaire flottait comme tous les lundis l’odeur de renfermé du week-end. Lisbet aérerait bientôt, quand elle arriverait, en deuxième position comme d’habitude, répandant autour d’elle sa bonne humeur bavarde.
Quant à lui, il arrivait toujours le premier, c’était la routine.
Comme d’habitude, pensa-t-il.
Encore et encore. »
(première page de Misterioso, aux éditions du Seuil, 2008).
J'aime bien les premières pages des polars, surtout des scandinaves, qui ont souvent en commun de ne prendre leur sens qu'à la toute fin, quand l'énigme est résolue. Je sais pas pour vous, mais pour moi, cette première page est aussi souvent la dernière : je la relis quand j'ai fini, pour mieux comprendre le début. Et je me rends compte que toute les clés de l'énigme, ou presque, s'y trouvaient. Et j'en admire encore un peu plus les auteurs et leur art de construire une histoire qui vous embarque.
C'est là le premier volet d'une série qui devrait mettre en scène une unité mise sur pied pour enquêter sur des affaires un peu délicates, qui demandent à être régler à l'écart de la grosse machinerie policière suédoise (celle de Kurt Wallander (Henning Mankell) ou de Erik Winter (Ake Edwardson)... c'est marrant, mais à force de lire des polars suédois, j'ai l'impression que les personnages devraient forcément finir par se croiser dans l'une ou l'autre de leurs enquêtes... ou au moins se connaître). Pas un service secret, juste une équipe spéciale, que l'on voit donc ici se constituer et mener sa première enquête. Des gros bonnets de la finance meurent tous de la même façon. Sorte de crime parfait qui laisse les enquêteurs un peu perplexes, démunis, jusqu'à ce que l'inévitable petit caillou vienne enrayer la belle mécanique du tueur. Bon, c'est classique, hein, mais ça se lit bien. Et ce premier volume donne envie de suivre les six personnages rassemblés pour former cette unité spéciale. Y'a plus qu'à attendre le deuxième volet, donc.